Marguerittes, un nom qui sent la garrigue, le thym chauffé par le soleil, les pierres qui gardent la mémoire des saisons.
Bien avant que nous n’y construisions nos maisons, Marguerittes existait déjà au temps des Romains, et même avant encore. Ses chemins de pierre, ses oliviers et ses sources racontent une histoire millénaire : celle d’une terre habitée, cultivée, respectée, aimée. Ici, chaque colline, chaque muret de pierre sèche, chaque sentier porte l’empreinte d’hommes et de femmes qui savaient vivre en équilibre avec la nature.
Aux Portes de la Garrigue, ce lien ancien palpite encore.
C’est un peu de ciel, un peu de colline, un entre-deux fragile où la vie sauvage tisse, depuis des siècles, ses chemins invisibles.
Un pays de chants d’oiseaux, de vents qui parlent aux chênes verts, de valats qui murmurent l’eau quand la terre veut bien s’en souvenir.
Et pourtant, aujourd’hui, on nous propose d’échanger ce paysage vivant contre une ligne comptable.
On veut transformer notre forêt méditerranéenne en un produit financier : des panneaux, des plans, des bilans, des bénéfices.
On nous demande d’accepter que ce qui est unique et fragile, la respiration même de nos terres, soit réduit à des chiffres sur un tableau.
Mais comment mesurer la lumière d’un couchant sur une pierre vieille de deux mille ans ?
Comment mettre un prix sur la buse variable ou la Tourterelle des bois qui revient chaque printemps et qui, de son battement d’ailes, raconte l’histoire du monde d’avant ?
La garrigue abrite des vies secrètes et précieuses.
Des espèces protégées qui n’ont pas voté, qui n’ont pas de porte-parole dans les salles des conseils municipaux, et qui pourtant disent tout haut ce que nous ressentons : la perte, l’injustice, l’irréparable.
Pensons aux rapaces qui survolent les crêtes en quête d’un territoire pour élever leurs petits ;
pensons aux orchidées discrètes, aux reptiles qui prennent le soleil sur les pierres,
aux insectes pollinisateurs qui rendent possibles nos récoltes et nos jardins.
Tous risquent de disparaître — non pas parce qu’ils ne sont pas utiles,
mais parce qu’ils ne rapportent rien à court terme.
Détruire la garrigue, ce n’est pas seulement abattre des arbres :
c’est effacer des millénaires d’équilibre entre l’homme et la nature.
C’est voler à nos enfants la possibilité d’apprendre, d’émerveiller, de comprendre ce que veut dire habiter une terre vivante.
C’est troquer la beauté pour un gain éphémère, et demain regretter l’irréparable comme on regrette une voix qui s’est tue.
Marguerittes mérite mieux.
Les Portes de la Garrigue méritent mieux.
Nous avons le devoir de défendre ce qui nous a été confié : non pas des parcelles à rentabiliser,
mais un patrimoine vivant, façonné depuis l’Antiquité et gardé par le souffle du vent et le chant des oiseaux.
Pour nos enfants, pour nos ancêtres, pour la terre elle-même, préservons-la, aimons-la, et battons-nous pour que la prochaine génération puisse, elle aussi,
fermer les yeux un soir d’été et sentir, dans l’air chaud,
l’odeur du thym, de la mémoire et de l’espérance.









